Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/135

Cette page a été validée par deux contributeurs.
123
l’abbaye d’évolayne

nait que leurs deux âmes ne s’accordassent point dans la soif d’un même destin.

La lutte se prolongea sans aboutir. Elle fut, durant plusieurs mois, une créature traquée. Malheureuse auprès de Michel, elle sentait, dès qu’il s’éloignait, le vide de l’absence définitive. La nature lui faisait mal. À l’abbaye, sa prière n’était qu’une agonie et quand, par hasard, un peu de paix lui venait, elle s’en effrayait, redoutait de ne pouvoir se dérober à quelque grâce foudroyante. Durant cette période, elle ne trouva de secours qu’auprès du père Athanase qui fut pour elle un ami ferme et sûr. Il avait prévu la crise où elle se débattait et dont la longueur le surprenait sans l’inquiéter. Le prêtre en ces heures solennelles se gardait d’intervenir entre cette âme et Dieu. Sans exercer la moindre pression sur sa pénitente, il l’assistait cependant d’une manière passive. Presque chaque jour il l’écoutait, sans manifester de lassitude, se plaindre, sangloter, prendre mille résolutions contraires et, bien que ces revirements, ces sursauts, ces larmes de femme lui fussent insupportables, il se montrait patient et doux. Il opposait aux divagations d’Adélaïde un sang-froid souriant qui la rassérénait toujours, réduisait ses angoisses démesurées à des proportions ordinaires. Lorsqu’elle lui disait son amour pour Michel, il affirmait :

— Cet amour est permis et naturel. Vous avez le droit de pleurer votre mari, je ne voudrais pas qu’il en fût autrement.

Et quand elle avouait son épouvante, il disait :

— Quelle est la religieuse ou le prêtre qui n’ait