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l’abbaye d’évolayne

et recueillie, qui, passant de sanctuaire en sanctuaire, visitait les tombeaux chargés de fleurs et baisait pieusement la Croix.

Adélaïde fut au calvaire une Madeleine désolée et fidèle. L’abandon parfait du Fils de l’Homme toucha le cœur de cette abandonnée. Elle ne résista pas au reproche du Crucifié. Son amour trompé se jeta passionnément vers l’amour méconnu et, le soir du Vendredi Saint, n’ayant pu communier, elle eut dans l’église dépouillée, devant le tabernacle ouvert, l’impression que la vie lui manquait, ressentit d’une façon presque physique, dans la défaillance de tout son être, la privation de Dieu.

— Christ est ressuscité !

Ce fut par ce cri de délivrance qu’elle salua son mari, lorsqu’elle le retrouva à la sortie de l’église après l’office du Samedi Saint. Le regard de Michel, à la fois grave et heureux, pesa sur elle.

— Et nous aussi, dit-il, nous sommes ressuscités. Il y a peu de temps encore, nous ne portions en nous que des âmes mortes. Le Seigneur a soufflé sur elles, les a retirées de la tombe. Comment pourrions-nous reconnaître dignement l’excès de sa miséricorde ? Le sacrifice de nos deux vies est à peine assez grand.

— Puisse-t-il être accepté ! dit-elle avec ferveur.

La semaine de Pâques fut âpre et pluvieuse, mais sous la bourrasque et le vent, le travail de la sève commençait. Au premier beau jour, les feuilles en bourgeons se déplièrent. Très vite, les fleurs de marronniers s’allumèrent dans la verdure fraîche. Çà et là, quelques lilas débordèrent, lourds, au-dessus des murs des rares jardins. Le printemps