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l’abbaye d’évolayne

de reconnaissance. Dès lors, elle lutta contre sa tendresse, s’interdit les familiarités les plus permises. Elle cessa d’embrasser Michel, ne laissa plus sa main reposer longuement dans la sienne. Elle s’étonna de souffrir moins qu’elle ne l’avait prévu. Les émotions d’un quotidien et difficile renoncement, remplaçant celles de la passion comblée, les surpassaient en force et en délicatesse. L’angoisse de la séparation envisagée donnait une valeur infinie aux jours désormais comptés qu’elle passait avec son mari. Elle l’aimait plus encore qu’autrefois, alors qu’il lui appartenait, parce que, déjà, elle ne pouvait plus l’atteindre, parce qu’il n’était plus pour elle qu’un élu mystérieux, inaccessible.

Bien qu’il fût encore auprès d’elle, il commençait à s’éloigner. Peu à peu, les devoirs de sa profession le reprirent, devinrent d’autant plus absorbants qu’il cherchait maintenant à sauver les âmes avec les corps.

Sans ostentation, mais sans respect humain, il ne perdait aucune occasion d’affirmer ses croyances nouvelles. Pour Maurice Verdon, son beau-frère, pour quelques-uns de ses collègues, elles furent un objet de scandale et de dérision, mais non point pour ceux que la maladie lui livrait. Quand, s’adressant au patient qu’il allait opérer et que la charité du chrétien lui rendait doublement cher, il disait avec simplicité :

— Ayez confiance, j’ai communié pour vous ce matin…

Il obtenait la plupart du temps, de l’incrédule, une réponse prudente et flatteuse :

— J’ai confiance en vous, docteur !