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l’abbaye d’évolayne

refuse de nous entendre, résiste, se tait, attend. C’est bien. Nous n’avons, nous, qu’à persévérer. Il nous faudra frapper longtemps sans doute à la porte du sanctuaire avant qu’elle nous soit ouverte. Nous saurons attendre.

Pour lui, en effet, les paroles prononcées par sa femme demeuraient inoubliables. Il trouvait en quelque sorte miraculeux qu’au moment où il s’efforçait d’étouffer des aspirations qu’il jugeait irréalisables, l’épouse même à laquelle il les sacrifiait eût formulé un vœu semblable au sien. Ce fait inattendu précisait leur avenir et Adélaïde vit qu’il avait foi en elle.

L’atmosphère de Paris ne changea rien à leurs dispositions intérieures. La clôture que le recueillement forme autour des âmes ferventes subsista autour d’eux. Malgré qu’ils eussent contact avec le monde, ils habitaient une maison fermée où ils étaient seuls l’un avec l’autre. Michel veilla à ce qu’aucune des grâces reçues à Évolayne ne fût mise en oubli. Dévoré du besoin d’apostolat, il trouva tout naturellement en sa femme son premier disciple. L’âme malléable qu’il avait autrefois, chez la jeune fille, modelée pour lui, il la retravaillait à nouveau, la transformait afin de la donner à Dieu.

Elle subit une possession spirituelle bien supérieure à la possession physique, au point qu’elle perdit presque le pouvoir de penser par elle-même. La volonté de Michel, forte, agissante, toujours tendue vers le même but, se substituait à la sienne qui, capable de grands élans, se lassait vite. Tous deux étudièrent ensemble le grand livre de Dieu, comme autrefois ceux des poètes. Pour Adélaïde,