Page:Régnier - Figures et Caractères, 1901.djvu/116

Cette page n’a pas encore été corrigée

hommes dont la pensée fut le plus intimement mêlée à nos rêveries juvéniles, et dont la présence charmante était chère à notre tendresse, en qui se résumait d’une façon unique la double merveille du poète et l’ami à la fois vénérable à l’esprit et précieux au cœur.
Je voudrais essayer de tracer de lui sinon un portrait, du moins une esquisse c’est le seul témoignage que je puisse improviser au service d’une mémoire si belle et si pure. Je craindrais de manquer envers elle à mon intime devoir si je faisais autre chose que de fixer l’émotion immédiate que son fantôme brusquement définitif donne à ceux qui ont connu le cher vivant. L’attitude mentale qui lui fut propre apparaît désormais clairement en sa subite immortalité.
Je tente donc ici une évocation pieuse. Voici brièvement les lignes principales du masque et le port général de la stature spirituelle. Et comme il est impossible de parler d’un magicien sans faire allusion à son œuvre, je dirai quelque chose de son alchimie particulière et de sa recette philosophale. Il est certains cas où la critique strictement littéraire est incompétente, la grandeur exacte d’un homme n’étant pas toujours contenue dans ce qu’il écrit, mais éparse dans ce qu’il est.