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Notre pilote-maître d’école s’est fort bien acquitté de sa tâche. Il y faut du coup d’œil et du doigté, car le moindre écart de route nous jetterait à la côte en ce défilé marin où se rue un courant brutal, perfide et anguleux. Au point le plus étranglé, sur la rive d’Eubée, s’élève une charmante maison, toute blanche entre des cyprès, sur une espèce de proue rocheuse. Nous la laissons derrière nous et nous voguons maintenant dans le golfe d’Atalanti. De là, par le canal d’Oric nous atteindrons le golfe de Volo et, par le canal de Trekeri, la pointe de la presqu’île de Magnésie que domine le mont Pelion.




Le yacht s’avance avec lenteur et précaution dans ces parages difficiles et pleins d’embûches. L’hélice tourne à petite vitesse. La mer est merveilleusement calme. Sous le ciel pur se détache la cime du Pelion. Tout est silence et lumière. L’air n’a pas d’autre mobilité que celle que lui donne notre lente course qui le réveille de son lumineux sommeil. On se sent seul. On s’oublie les uns les autres au milieu de cette somnolence aérienne où l’on se sent égoïstement heureux.