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1914-1916

Sur les arbres, chanter les oiseaux du printemps,
Que nul ne reviendra de tous ceux que j’attends
S’abriter sous le toit où nichent des colombes,
Adieu donc, doux pays où nous avions nos tombes,
Où nous devions, à l’heure où se ferment les yeux,
Nous endormir auprès du sommeil des aïeux !
Nous partons. Ne nous pleurez pas, tendres fontaines,
Terre que nous quittons pour des terres lointaines,
Ô toi que le brutal talon du conquérant
A foulée et qu’au loin, de sa lueur de sang,
Empourpre la bataille et rougit l’incendie !
Qu’un barbare vainqueur nous chasse et qu’il châtie
En nous le saint amour que nous avions pour toi,
C’est bien. La force, pour un jour, prime le droit.
Mais l’exil qu’on subit pour ta cause, Justice,
Laisse au destin vengeur le temps qu’il s’accomplisse.
Nous reviendrons. Et soit que nous passions la mer
Parmi l’embrun cinglant et dans le vent amer,