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A MONSIEUR LE MARQUIS DE CŒUVRES[1].

SATYRE III.


Marquis, que doy-je faire en ceste incertitude ?
Dois-je, las de courir, me remettre à l’estude,
Lire Homère, Aristote, et, disciple nouveau,
Glaner ce que les Grecs ont de riche et de beau ;
Reste de ces moissons que Ronsard et des Portes[2]
Ont remporté du champ sur leurs espaules fortes,
Qu’ils ont comme leur propre en leur grange entassé,
Esgallant leurs honneurs aux honneurs du passé ?
Ou si, continuant à courtiser mon maistre[3],
Je me dois jusqu’au bout d’espérance repaistre,
Courtisan morfondu, frénétique et resveur,

  1. François Annibal d’Estrées, marquis de Cœuvres, frère de la belle Gabrielle, duchesse de Beaufort, s’est rendu célèbre par ses ambassades, surtout par celle de Rome. Il fut fait maréchal de France en 1624, et depuis ce temps-là on le nomme le maréchal d’Estrées. Il mourut à Paris le 5 mai 1670, âgé d’environ cent ans.
  2. Pierre de Ronsard et Philippe des Portes, poëtes fameux. Ronsard, surnommé le prince des poëtes françois, mort en 1585, conserva long-temps une haute réputation, méritée à quelques titres, et dont Regnier offre ici la preuve. L’abbé des Portes étoit natif de Chartres et oncle de Regnier. Il fut chanoine de la Sainte-Chapelle, abbé de Tiron, de Bonport, de Josaphat, des Vaux de Cernay et d’Aurillac. Il mourut en 1606, possesseur d’une immense fortune.
  3. Voyez la note 12 sur la satire ii page 12.