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Vous font un sot discours, puis au partir de là,
Vous disent : Mais, monsieur, me donnez-vous cela ?
C’est tousjours le refrein qu’ils font à leur balade.
Pour moy je n’en voy point que je n’en sois malade ;
J’en perds le sentiment, du corps tout mutilé,
Et durant quelques jours j’en demeure opilé.
Un autre, renfrogné, resveur, mélancolique,
Grimassant son discours, semble avoir la colique.
Suant, crachant, toussant, pensant venir au point,
Parle si finement que l’on ne l’entend point.
Un autre, ambitieux, pour les vers qu’il compose,
Quelque bon bénéfice en l’esprit se propose,
Et, dessus un cheval comme un singe attaché,
Méditant un sonnet, médite un évesché[1].
Si quelqu’un, comme moy, leurs ouvrages n’estime,
Il est lourd, ignorant, il n’ayme point la rime ;
Difficile, hargneux, de leur vertu jaloux,
Contraire en jugement au commun bruit de tous :

    contens d’avoir bu le coup d’après grâces, ils demandent à boire sur nouveaux frais. Ainsi, boire Grace-Dieu, ce seroit boire un seul coup après avoir dit ses grâces ; et en demander davantage seroit manquer de savoir-vivre et de tempérance.

  1. Dans l’édition de 1608 on lit une évesché. Toutes les autres éditions portent un évesché ; mais dans la satire iii, page 35, notre auteur a fait évêché du genre féminin : Et si le faix léger d’une double évesché. Quarante ans après la composition de cette satire, le genre du mot évêché n’étoit pas encore bien déterminé ; car Ménage, dans sa Requête des Dictionnaires, imprimée en 1649, assure qu’il n’y avoit que les puristes qui dissent une évesché :
    Ils veulent, malgré la raison,
    Qu’on dise aujourd’hui la poison,
    Une épitaphe, une épigramme,
    Une navire, une anagramme,
    Une reproche, une duché,
    Une mensonge, une évesché.