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Et disent pour bon-jour : Monsieur, je fais des livres[1],
On les vend au Palais, et les doctes du temps
A les lire amusez, n’ont autre passe-temps.
De là, sans vous laisser, importuns ils vous suivent,
Vous alourdent de vers, d’alegresse vous privent,
Vous parlent de fortune, et qu’il faut acquérir
Du crédit, de l’honneur, avant que de mourir ;
Mais que pour leur respect l’ingrat siècle où nous sommes,
Au prix de la vertu n’estime point les hommes ;
Que Ronsard, du Bellay, vivants ont eu du bien.
Et que c’est honte au Roy de ne leur donner rien.
Puis, sans qu’on les convie, ainsi que vénérables,
S’assient[2] en prélats les premiers à vos tables,
Où le caquet leur manque, et des dents discourant,
Semblent avoir des yeux regret au demeurant[3].
Or la table levée, ils curent la mâchoire.
Apres grâces Dieu beut[4], ils demandent a boire ;

  1. Horace, dans sa satire de l’Importun, liv. i, satire 9, dit :
    Noris nos, inquit, docti sumus.
  2. Dans les éditions de 1608 et 1614 on lit s’assiessent ; celles de 1613 et suivantes, s’assient.
  3. Demourant, édition de 1608.
  4. Un auteur grave (Boetius Epo) dit que les Allemands, fort adonnés à la débauche, ne se mettoient point en peine de dire grâces après leur repas. Pour réprimer cet abus, le pape Honorius III donna des indulgences aux Allemands qui boiroient un coup après avoir dit grâces. Boetius Epo, Comment. sur le chap. des Décrétales : Ne clerici vel monachi, etc. cap. i, n. 13.
    L’origine de cette façon de parler, apres graces Dieu beut, ne vient-elle point plutôt de cet endroit de l’Evangile ? Et, accepto calice, gratias agens dedit eis, et biberunt ex illo omnes. La Monnoye croit qu’il faut peut-être lire : Après Grace-Dieu bue, ils demandent à boire, pour donner à entendre que, non