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SATYRE I.

Ce qu’ils pensoient servir pour le bien de l’empire.
Et comme la jeunesse est vive et sans repos,
Sans peur, sans fiction, et libre en ses propos,
Il semble qu’on luy doit permettre davantage.
Aussi que les vertus fleurissent en cet âge,
Qu’on doit laisser meurir sans beaucoup de rigueur,
Afin que tout à l’aise elles prennent vigueur.
C’est ce qui m’a contraint de librement escrire,
Et, sans picquer au vif, me mettre à la satyre,
Où, poussé du caprice, ainsi que d’un grand vent,
Je vais haut dedans l’air quelque fois m’eslevant ;
Et quelque fois aussi, quand la fougue me quite,
Du plus haut au plus bas mon vers se précipite,
Selon que du suject touché diversement,
Les vers à mon discours s’offrent facilement.
Aussi que la satyre[1] est comme une prairie,

  1. Aussi que la satyre…] Par ce vers et les trois suivants, Regnier a prétendu vraisemblablement désigner la satire des Grecs, qui consistoit, ainsi que nous l’avons dit, dans l’alliance du grave avec le bouffon, car la satire romaine, dont Lucilius fut l’inventeur, est un poëme railleur ou piquant, composé pour critiquer les ouvrages ou pour reprendre les mœurs. « Satira dicitur carmen apud Romanos nunc quidem maledicum, et ad carpenda hominum vitia archææ comœdiæ caractere compositum, quales scripserunt Lucilius et Horatius et Persius. Sed olim carmen, quod ex variis poematibus constat, satyra vocabatur, quales scripserunt Pacuvius et Ennius. » Diomed. ex lib. iii Grammat.