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SATYRE I.

Aujourd’huy que ton fils[1], imitant ton courage,
Nous rend de sa valeur un si grand tesmoignage,
Que, jeune, de ses mains la rage il déconfit,
Estouffant les serpents ainsi qu’Hercule fit[2] ;
Et, domtant la discorde à la gueule sanglante[3],
D’impiété, d’horreur, encore frémissante,
Il luy trousse les bras de meurtres entachez,
De cent chaisnes d’acier sur le dos attachez ;
Sous des monceaux de fer dans ses armes l’enterre,
Et ferme pour jamais le temple de la guerre ;

  1. Le Dauphin, qui fut ensuite le roi Louis XIII, né à Fontainebleau, le 27 septembre 1601.
  2. Cette fable est racontée de diverses manières par les mythologues. Selon Apollodore, ce fut Amphitryon lui-même qui, pour reconnaître son véritable fils entre les deux enfants jumeaux que lui avoit donnés Alcmène, fit porter deux serpents dans leur berceau. L’opinion la plus commune, cependant, est que ce fut Junon qui, par haine pour Alcmène, suscita ces deux monstres, victimes du jeune courage d’Hercule. Théocrite a composé sur ce sujet une idylle admirable ; c’est sa vingt-quatrième.
  3. Et domtant le Discorde....] La naissance du Dauphin apaisa les troubles, en étouffant les projets auxquels la stérilité de Marguerite de Valois, première femme d’Henri IV, avoit donné lieu.
    Ce sera vous qui de nos villes
    Ferez la beauté refleurir,
    Vous qui de nos haines civiles
    Ferez la racine mourir ;
    Et par vous la paix assurée
    N’aura pas la courte durée
    Qu’esperent infidellement,
    Non lassez de notre souffrance,
    Ces François, qui n’ont de la France
    Que la langue et l’habillement.
    Par vous un Daufin nous va naître, etc.
    C’est la prédiction que Malherbe faisoit dans une ode qu’il présenta, en 1600, à Marie de Médicis, quand elle vint en France épouser Henri-le-Grand.