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SATYRE IV.

Bien que mon bon démon souvent me dist le mesme. Mais quand la passion en nous est si extresme , Les advertissemens n’ont ny force ny lieu ; Et rhomme croit à peine aux paroUes d’un Dieu. Ainsi me tançoit-il d’une paroUe esmuë. Mais comme en se tournant je le perdoy de vue, Je perdy la mémoire avecques ses discours , Et resveur m’esgaray tout seul par les destours Des antres et des bois affreux et solitaires , Où la muse, en dormant, m’enseignoit ses misteres, M’apprenoit des secrets*^, et m’eschauffant le sein, De gloire et de renom relevoit mon dessein. Inutile science , ingrate , et mesprisée , Qui sert de fable au peuple, et aux grands de risée ! Encor’ seroit-ce peu , si , sans estre avancé , L’on avoit en c.pf arl aon ag© dcapciiaé , Après un vain honneur que le temps nous refuse ; Si moins qu’une putain l’on estimoit la muse. Eusses-tu plus de feu, plus de soin, et plus d’art. Que Jodelle*^ n’eut oncq’, des-Portes, ny Ronsard, L’on te fera la moue, et pour fruict de ta peine , Ce n’est, ce dirat’on, qu’un poète à la douzaine. Car on n’a plus le goust comme on l’eut autrefois. Apollon est gesné par de sauvages loix , Qui retiennent souz l’art sa nature offusquée ,

  • ^ Des secrets,,,,] Ou ses secrets. Éditions de i655 et de

1667.

  • ^ Etienne Jodelle, né à Paris en i532, mort en 1573, fut

rintroducteur de la tragédie en France : sa Cléopâtre captive fut représentée en i552, devant Henri H , par les poètes du temps , amis de Jodelle. Le vers de Régnier prouve que la réputation de Jodelle lui survécut ; cependant Etienne Pasquier, son contemporain , disoit : Je me doute qu’il ne demeu^ fera que la mémoire de sort, nom en Vair,