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ÉPISODES


Et la Femme aux grands yeux d’attentes aux nuits vagues,
Droite en sa robe d’hyacinthe à joyaux clairs,
A décroisé ses mains où luit un feu de bagues,
Et d’un lent geste s’est là-bas tournée et vers
Le sentier blanc jusqu’où l’herbe déferle en vagues

Et par où va venir celui qui reviendra
Et, levée, elle dit lentement à voix basse
« Suis-je pas le baiser dont sa lèvre voudra,
Moi la seule tentation de la chair lasse,
Pêche miraculeuse aux aigreurs de cédrat.

Ma chair s’est préservée au tissu des tuniques
Du contact insulteur des vents et du soleil
Qui rougit le corps des dormeuses impudiques.
Et ne s’avive pas de la nuque à l’orteil
Du fard éblouissant des incarnats cyniques ;

Et, mes voiles tombés à mon seuil nuptial,
Je ne tenterai pas la défense qu’invente
La Vierge et j’offrirai mon corps impartial
Dans la sécurité de la Femme savante,
Sereine à tout jamais d’avoir su tout le mal ;