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ÉPISODES


Les ruches dressent l’or de paille de leurs cônes
Au centre de la plaine où vibre le millier
Des abeilles vers qui le pas suivi des Faunes
M’a conduit par le bois et le sentier mouillé
(Car ils aiment et dérobent les beaux miels jaunes).

J’ai pris un rayon de miel ainsi qu’un voleur,
Et l’essaim bruissant comme un rêve tragique
Environna ma fuite à ce verger où leur
Colère se tut à l’éveil d’un chant magique
En incantation de lent rythme charmeur.

Et vers toi, ma Joueuse éternelle et frivole.
Qui d’un souffle en la flûte avive le vain jeu
Des gammes, fol essor qui vers l’écho s’envole,
Je t’apparus parmi la candeur du ciel bleu
Et nimbé d’un bruit d’abeilles en Auréole :

Et, pour cette rencontre et ce rapt enfantin
D’abeilles et ton sourire d’enorgueillie,
Mon âme qui voguait vers un autre destin
Abdique au doux servage où ta natte la lie,

Et la Trompe d’appel au ras des mers s’éteint.