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ÉPISODES


Ce n’était pas le terme encor de l’équipée
Le Pays fabuleux que devait conquérir
L’héroïque talon nu des porteurs d’épée.
Le navire pourtant vira pour atterrir
Au sable d’une baie unie et découpée.

Et tandis qu’ils parlaient de victoire et de sang,
Et des soirs de massacre en des villes royales,
Assis en rond sur le rivage éblouissant,
J’errais parmi l’éveil des plaines pastorales
Dont les parfums grisaient mon âme de Passant ;

Et j’ai marché vers l’ombre étroite des vallées
Vertes d’herbes et d’onde où dans les roseaux droits
Tremblait la fuite encor de Nymphes détalées,
Et j’ai suivi le long des lisières d’un bois
Le pas de quelque Faune empreint aux fleurs foulées.

L’Azur du ciel dormait d’un sommeil ébloui,
Alors qu’une rumeur parvint à mes oreilles.
Et voici que bientôt paraît l’essaim ouï :
Et le vol bourdonnant d’innombrables abeilles
Gronde et pleut comme une grêle d’or inouï.