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ÉPISODES


Et le vent, écho mort des choses séculaires
Et des rêves passés et des arômes bus,
Apporte un bruit lointain de rames, ô galères
Qui fendiez l’inconnu des flots vers d’autres buts
Où vous guidait la foi des aurores stellaires.

Les griffes des caps crispaient leurs ongles mauvais
Pour nous saisir, chercheurs de l’Île et de l’Étoile ;
Et des hommes couraient, pieds nus, le long des quais,
Pour tirer vainement des flèches dans la voile,
Et jeter contre nous des sorts et des galets.

Ô les doux chants râlés aux gorges des Sirènes,
Et les sanglots d’appel de l’Ariane au dieu
Qui doit venir, porteur du thyrse, et les Fontaines
De Jouvence, en les roses de sang et de feu,
Conviant à les boire les lèvres humaines ;

Le rivage fleuri de lis où l’ombre dort
En un duo dit par les flûtes de l’idylle
Dont l’une chante la Vie et l’autre la Mort ;
Et le heurt de la proue au sable fin de l’île
Parmi des conques d’émail vif où l’ancre mord.