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ÉPISODES


Les répons alternés des odes et des lyres
Se croisent tour à tour de vergers en vergers
Où la flûte s’essouffle en saccades de rires ;
Et les grappes en sang des raisins saccagés
Masquent de pourpre les impudeurs des délires :

Sang de l’automne aux doigts roses d’avoir cueilli !
Sang aux pointes des seins, sous les lèvres goulues
Et sous les mains par qui leur nudité jaillit !
Dans le bois qu’une chair fleurit de grâces nues
Monte le rire bref du Priape assailli.

Pourtant la vieille Terre est triste où nous vécûmes,
L’écho des grottes est le même, et cette mer
Déferle en mêmes fleurs de perles ses écumes,
Et l’ennui nous a pris de voir en le ciel clair
Tourner les blancs oiseaux qui laissent choir leurs plumes,

Bien qu’aujourd’hui ce temps soit doux, qui fut ailleurs
Nostalgique, lent à s’enfuir, et lourd à vivre
En l’éperdu désir des horizons meilleurs
Et d’autres mers et de pays et d’azur ivre
Et de phares de marbre où guettent les veilleurs !