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VI

Le flot des lourds cheveux est comme un fleuve noir
Sous un ciel sans étoile et sans nuit de Chaldée,
Et le berger qui rôde seul parmi le soir
Ignore à quel destin sa détresse est gardée.

La chair triste qui fuit l’étreinte et le miroir
Semble avoir peur d’offrir, stérile et dénudée,
Son mensonge à des yeux avides de la voir
Et tremble d’être nue aux mains qui l’ont fardée.

Cet amour qui fut un orgueil à se sourire
Est mort et le vieux songe élargi pour empire
D’un pays de bleus paons, de fleurs et de forêts !

Un mutuel frisson traverse nos paniques
À qui l’allongement de l’ombre des cyprès
Signale l’eau d’oubli des Léthés fatidiques.