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XVIII

Des chiens en éveil ont hurlé toute la nuit
Dans les cours des maisons et des fermes voisines
À la lune montrant par-dessus les collines
Sa face pâle à tout jamais d’un vague ennui ;

Les vieux chênes et les sapins ont frissonné
Dans l’ombre où bourdonnait le gros bruit de l’écluse,
La fontaine a coulé sur sa pierre qui s’use,
À chaque heure l’heure plus lugubre a sonné,

Et dans cette insomnie et cet énervement
Qui me chargeaient le cœur d’une sourde rancune
J’ai goûté l’amertume et l’assouvissement

De scruter ma misère et ma vie importune
De les maudire, et j’ai pleuré, rageusement,
Comme ces chiens, là-bas, qui hurlaient à la Lune.