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ÉPISODES

Sur la route où s’en va la fuite du Centaure
Dont la croupe plie et frissonne sous le poids
Du Rêve qu’il emporte par delà les flots
D’un Léthé bienfaisant où mon âme va boire
L’oubli de cette fuite atroce et des galops
Qui sonnent encore aux échos de ma mémoire.

Ce fut l’Aube sanglante et belle : c’est la Nuit
Où le feu du bûcher simule une autre aurore,
Honneur du ciel où son rayonnement a lui ;
Le vin de Vie écume au trop plein de l’Amphore
Pour une libation funèbre et déborde,
Et les jours sont vécus de la vieille aventure ;
Et voici l’holocauste où le Rêve s’épure
Aux flammes de la Mort qui veut que ne se torde
Pas de guirlande aux bras levés de la victime
Ni joyaux attestant des splendeurs de jadis
Parmi l’écroulement des bûchers refroidis,
Lapillaire surcroît d’une gloire unanime :
Car il est héroïque et viril de s’étendre
Nu pour mourir afin que ses chairs péries,
Poussière que l’oubli de l’urne va reprendre,
Ne survive parmi le néant de la cendre
L’éclat victorieux d’aucunes pierreries.