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INTRODUCTION.

plement, pour se régaler de vins étrangers ; mais environ cinquante ans après, il arrivoit quelquefois au port de Paris des vins singulièrement estimés des gourmets parisiens. On les nommoit vins de Garache, de Malvoisie, de Lieppe , d’Osaie, vin Bastart, vin de Rosette, vin de Muscadet. C’étoit un événement pour les bons Parisiens que l’arrivée d’une naulée de ces boissons rares et fines. Aussi procédoit-on au débit avec de certaines formalités. Après que le prix en avoit été déclaré et inscrit, le prévôt et les échevins se transportoient à bord du bateau pour sceller la bonde, afin d’empêcher qu’on ne fît aucun mélange des vins étrangers avec d’autres. Toutefois ces magistrats avoient soin de prélever pour leurs honoraires, le prévôt deux quartes par tonneau et chacun des échevins, ainsi que le clerc de la prévôté, une quarte[1]. Par exception, on consentoit cette fois à percevoir le droit de coutume en nature.

Venoient alors les crieurs, et précédés, comme pour le ban du Roi, de leur chef portant un hanap doré, ils alloient par la ville annoncer la grande nouvelle de l’arrivée d’une naulée de vins de pays étrangers, pour engager les riches à profiter de l’occasion et se pourvoir de ces liqueurs rares. Une classe particulière de tonneliers, savoir les barilliers, dont le nom est resté à l’une des rues de Paris, faisoit aux riches hommes comme on disoit alors, des tonneaux soigneusement travaillés suivant l’ordonnance, pour enfermer ces vins ; et telle étoit l’importance qu’on attachoit à leurs fonctions, qu’on leur permettoit de travailler les jours fériés, lors même que les boulangers et d’autres artisans qui pourvoyoient aux premiers besoins de la vie, étoient forcés de chômer[2].

Je reviens aux crieurs. Ces hérauts de la grande ville sur la Seine s’étoient rendus si nécessaires aux Parisiens qu’encore dans le temps où l’on avoit plus de moyens de publicité, on se servoit de leur ministère. Charles VI en réduisit le nombre à vingt-quatre ; il voulut qu’ils célébrassent avec solennité la fête de Saint-Martin-le-Bouillant, patron

  1. Ordonnance de Charles VI de l’an 1415.
  2. Voyez le statut des barilliers dans les Registres des Métiers, part. I, tit. XLVII.