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semble, et j’entendis Pierre faire la grosse voix, très en colère. Adieu chanson !

Je suis descendue pour m’informer de la cause de ce nouvel ennui, auprès des vieux d’en bas. Ils ont cru comprendre par certains mots échappés à Kan-Kou-rô, qu’on réclame quelque chose de nous à la police, une simple formalité omise. « Y a-t-il de quoi se fâcher si fort, et dans tous les pays du monde est-ce que l’autorité ne doit pas être respectée ? Au Japon, on est si doux pour les étrangers ! Ils font tout ce qu’ils veulent et ne sont molestés par personne ». Ces observations me sont présentées très discrètement par Satô, qui est l’indulgence même ; de plus c’est un excellent peintre ; le monde des oiseaux n’a pas de secret pour lui et il excelle dans la représentation des échassiers ; ce sont surtout des grues sous les pins — emblème de la longévité — qui ont fait sa réputation.

Ce qui cause à Satô un vif chagrin, c’est le mépris que Pierre affecte à l’égard de ses œuvres, et même je crois qu’il lui en veut un peu pour ça, le pauvre ! Un marin a bien le droit de ne pas se connaître en peinture, pourtant !



23 Août. — Cinq jours sans le voir ! Une sorte d’engourdissement s’est emparé de mon être. Chaque matin, automatiquement, j’ai renouvelé les fleurs dans la maison ; j’ai mis ma plus belle robe et je me suis défendu de pleurer pour qu’il ne me trouve pas trop laide au retour. Du balcon j’ai pu voir la Triom-