Page:Régamey - Le Cahier rose de Mme Chrysanthème, 1894.pdf/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Yves, gaîment, tourne autour de moi comme un gros chien, et que je le fais manger avec mes baguettes d’ivoire — jeu d’enfant auquel il se prête volontiers.

Que se passe-t-il dans le cœur de Pierre ?

Je voudrais savoir. Dans mes insomnies, je vois un mur s’élever entre nous. Que vais-je devenir si cela continue ! Je crains de n’être pour lui qu’un accessoire insignifiant. M’a-t’il jamais demandé si je l’aimais, ou seulement si je pourrais l’aimer un jour ! Un jour… il s’en ira, bien loin, et je ne le reverrai plus jamais, et tout sera fini !



18 Août. — Il n’a qu’un sourire railleur pour tous les petits objets en papier que je sais si bien faire ; des oiseaux, des fleurs, des arbustes… Ma musique t’agace ; une seule fois il a paru y prendre plaisir : Oyouki et moi nous nous étions mises à travailler sérieusement.

Je lui apprenais des airs de jadis. Nos deux samisens vibraient. Je chantais la ballade du « Lotus expirant au bord du lac desséché ». Les paroles de cette chanson me labouraient le cœur et je l’achevai dans un sanglot.

Pierre était entré sans bruit ; il m’écoutait, je ne me doutais pas de sa présence. Il me demanda de continuer. Était-ce mes larmes qu’il voulait voir couler encore ?… Mais Kan-Kou-rô étant arrivé pour lui parler avec un air de mystère, ils sortirent en-