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des chansons et des pièces de théâtre, qui exposaient, en les amplifiant, tous les obstacles que les amants eurent à surmonter avant de s’épouser. Ayant souffert, il aurait eu pitié de ma souffrance. Chassons donc ces vilaines idées. Pierre est mon maître, je n’ai plus qu’à lui plaire ; je l’aime et il peut faire de moi ce qu’il veut.



12 Juillet. — Je me sens un peu lasse d’avoir couru la ville hier toute la journée avec mon Pierre et Yves son matelot, en jinrikisha. Nous sommes rentrés fort tard, et la nuit, nous avons été tenus éveillés par les rats et les souris qui ont mené grand bruit sur le toit et dans toute la maison. Il en a paru très ennuyé et, s’étant éloigné de moi, il alla s’accouder sur le balcon. Absorbé dans sa méditation, il semblait que je n’existais plus pour Lui. Maudites souris ! À la fin n’y tenant plus, je me glissai auprès de lui, et entourant son cou de mes bras tremblants, je le ramenai auprès de moi sous la moustiquaire.



13 Juillet. — Yves est devenu mon grand ami ; il ne manque pas d’adresse, avec ses manières lourdes ; sa bruyante gaîté, qui n’exclut pas une certaine finesse, anime un peu la maison, si calme quand mon Pierre est seul avec moi.

La tristesse qui l’a saisi la nuit dernière ne l’a pas quitté que pourrais-je inventer pour le distraire ? Ne suffit-il pas d’être toujours souriante et gracieu-