Page:Régamey - Le Cahier rose de Mme Chrysanthème, 1894.pdf/27

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

là, des yeux songeurs qui restent plantés dans les miens.

Oyouki ne leur en veut pas à ces hommes bleus dont le bruit lui a tant fait peur partout les marins sont un peu rudes, ceux-ci ne savent rien de nos usages — et nous que savons-nous ? — « Le crapaud qui rêve au fond d’un puits ignore ce qu’est l’Univers. »

En Europe comme au Japon, il y a des poètes, des artistes et des savants qui sont intelligents et tendres… comme les nôtres ; ceux-là je voudrais les connaître, et même tous les marins ne doivent passe ressembler.

Le premier que j’ai vu était blond et très laid, je crois, mais si débonnaire ; respectueux de nos coutumes, il ne manquait jamais d’ôter ses chaussures avant d’entrer chez nous. Il ne resta pas bien longtemps à Nagasaki, il écrivait et dessinait beaucoup ; je me souviens qu’il me fit manger des confitures apportées de son pays ; j’étais bien jeune alors, et mon père me dit : « C’est un Anglais. »

Celui auquel je pense est Français.



5 Juillet. — Ô la folle ! J’en avais fait du chemin depuis l’instant où mon regard s’était rencontré avec celui de M. Loti ! Car je sais son nom maintenant. Ah ! oui, bien folle : je ne voyais plus que lui et j’en rêvais la nuit… C’était très vague ; parfois je me sentais secouée de la tête aux pieds… C’était douloureux et fort doux…