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cette petite folle de Oyouki. Un homme, devant un miroir, vu de dos, absorbé dans sa propre contemplation.

Il ne me reste pas autre chose de celui qui, pendant tout un été, à tenu mon cœur dans ses dures mains — ô combien dures !

À la fin, mes amies l’avaient surnommé : Rhinocéros parfumé. C’était trop. Mais comment cet étranger a-t-il pu prendre un tel empire sur mon âme, qu’il semble n’avoir jamais eu la curiosité de pénétrer et qu’il n’a jamais su comprendre ? C’est ce que je ne saurais dire.

D’ailleurs je ne cherche plus à comprendre, moi non plus.

Les Chinois ont peut-être raison de traiter ces hommes, venus de l’Occident, de barbares et de diables rouges — lui pourtant était brun — et nous avons peut-être tort de les accueillir et de vouloir les imiter ?

N’était-ce pas un peu ce que vous me disiez jadis ?

Vous devez être plus à même d’en juger aujourd’hui que vous les voyez de plus près.

Mais que m’importe maintenant ? Il y a quelque chose de brisé en moi ; j’avais fait un trop beau rêve, contre toute raison ; il eût fallu un miracle pour qu’il se réalisât, et j’en étais bien indigne.

J’ai lu dans le « Tokio-Chimboum » que la mission du comte Matsoukata en Europe allait sans doute prendre fin bientôt. Quel bonheur ce serait pour moi de vous revoir ! Cet espoir, seul, peut me consoler dans ma détresse.

Avec grand respect, ma chère Marraine, je suis votre reconnaissante et dévouée servante jusqu’à la mort.

CHRYSANTHÈME