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qui aurait souhaité voir le mot de Montaigne : « Ceci est un livre de bonne foi » inscrit, le sens retourné, en tête de l’œuvre ; cela n’aurait pas été de trop pour le lecteur ignorant du Japon, et puis ç’eût été plus franc. Car enfin, que voyons-nous encore dans cet ouvrage ? Des noms propres détournés intentionnellement de leur véritable sens par la traduction.

Les noms de personnes que les Japonais empruntent parfois aux différents règnes de la nature, ne sont pas composés seulement des mots qui servent à désigner les objets ; ces mots ne forment pas à eux seuls des appellations. Ils sont généralement additionnés d’une particule qui, en quelque sorte, les anoblit, ou d’un autre nom qui les complète.

Ainsi pour les jeunes filles portant le nom de la neige, la lune, on ne dit pas simplement : Yuki ou Isuki, mais O-Yuki, O-Isuki ; il en sera de même pour mesdemoiselles Jasmin, Campanule, Jonquille, qui seront O-Sen, O-Kio, O-Yoshi, et madame Prune ne sera pas Me mais On-Mè. Voici encore la traduction des noms masculins : M. Sucre, Sâto ; Cerisier, Sakura-Marou ; Pigeon, Hato-horo ; Liseron, Sen-Ka ; Or, Kin-no-ské ; Bambou, Taki-sabouro ; s’il s’agissait d’une fille on dirait O-Také. Quant à Kangourou, c’est une bien autre affaire, le correspondant japonais n’existe pas, l’animal étant inconnu au Nippon.

M. Loti a sans doute été amusé par une consonance dont il a tiré parti pour ridiculiser son personnage. Il y a, en effet, un nom propre, sans signification : Kan-Kou-rô, dont il a pu faire Kangourou, en nous laissant croire à une honnête traduction, comme pour les noms de certains autres de ses personnages.

Des gens s’évanouissent au parfum des fleurs ; d’autres ont en horreur la musique, dédaignent les beaux vers et méprisent la peinture ; au moins ceux-là, généralement, ont conscience de leur infériorité, et ne se livrent pas à la pure diffamation pour démon-