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Aujourd’hui il en est de même dans le domaine intellectuel et moral.

Jusqu’où iront-ils dans cette voie ?… C’est ce que l’avenir nous apprendra. Peuple amoureux de la nature, artiste jusqu’aux moëlles, il est permis d’espérer qu’il n’est pas perdu encore pour l’idéal et qu’il aura lui aussi, sa Renaissance, car il ne reste plus rien de sa féodatité, ni de ce que, par analogie, on pourrait appeler son art gothique. C’est sur le nôtre qu’ont été écrites ces lignes dans la Revue Bleue :

« Au moyen-âge, nulle trace d’artiste. Le peintre, le sculpteur étaient ce qu’ils auraient dû rester toujours : des ouvriers s’acquittant pour le mieux des travaux qu’on leur commandait. Le souci de l’originalité, de la personnalité, qui est en train de perdre l’art de notre temps, ce vain souci ne tourmentait pas. Ils ne cherchaient pas à faire autrement, c’est presque à leur insu, par la seule force inconsciente de leur tempérament naturel ».

Ceci, dit pour ce que l’auteur appelle « l’âme gothique », s’applique parfaitement bien à l’âme japonaise.

Aujourd’hui encore, pour qui sait voir, elle trouve à se manifester dans les moindres produits sortant des mains de l’artisan japonais[1], si imparfaits qu’ils soient, vite faits, à la grosse, avec des matériaux de plus en plus médiocres et visant le marché européen. Le problème de faire quelque chose avec rien, résolu par l’article dit de Paris, semble également avoir trouvé sa solution là-bas. Cela nous arrive par cargaisons qui rappellent les pacotilles que

  1. Mr. Percival Lowel truly observe that. To stroll down the « Broadway » of Tokio of an evening is a liberal education in every day art, for — as he adds, — whatever these people fashion, from the toy of an hour to the triumphs of all time, is touched by a taste unknown elsewhere.
    B. H. CHAMBERLAIN. (Things Japanese).