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tends dire qu’il s’est fait des émigrations considérables de France ; et qu’un grand nombre de familles, sourdes aux enchantemens de ces Circés de la liberté, abandonnant ces contrées voluptueuses, ont été se réfugier dans les parties du nord, et sous le despotisme britannique du Canada.

Ne dirait-on pas, à cette disparition totale du numéraire, que ce n’est plus le même pays dans lequel le ministre actuel des finances a pu découvrir quatre-vingt millions sterling d’espèces ; à le voir aujourd’hui, qui ne croirait qu’il a été pendant quelque temps sous la direction immédiate des savans académiciens de Laputa et de Balnibardi[1] ? La population de Paris est tellement diminuée, que M. Necker a exposé sous les yeux de l’Assemblée, qu’il fallait déjà compter sur un cinquième de moins pour son approvisionnement[2]. On dit, (et je ne l’ai jamais entendu contredire,) que cent mille personnes sont dépouillées de tout emploi dans cette ville, quoiqu’elle soit devenue le séjour d’une cour prisonnière et de l’Assemblée Nationale. Rien ne peut être comparé au spectacle choquant et dégoûtant de la mendicité qui y règne, et je puis croire à mes informations. Assurément les décrets de l’Assemblée ne laissent pas de doute sur ce

  1. Voyez les Voyages de Gulliver, pour avoir l’idée d’un pays gouverné par des philosophes.
  2. M. de Calonne porte beaucoup plus loin le décroissement de la population dans Paris ; et cela peut être vrai depuis l’époque des calculs de M. Necker.