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Peu de conquérans barbares ont jamais fait une révolution si terrible dans les propriétés. Aucune des factions romaines, lorsqu’elles établissaient « crudelem illam hastam, cette cruelle vente à l’encan » dans les enchères de tous leurs butins, n’a jamais porté la vente des biens des citoyens conquis, à un taux si considérable. On doit dire en faveur de ces tyrans de l’antiquité, que tout ce qu’ils ont fait, ils ne l’ont pas fait de sang-froid. Leurs passions étaient allumées, leurs caractères étaient aigris, leur esprit bouleversé par l’esprit de vengeance, et par toutes les représailles innombrables et réciproques de meurtre et de rapine. Ils étaient entraînés au delà de toutes les bornes de la modération, dans la crainte où ils étaient que toutes les familles, qu’ils avaient trop outragées pour espérer aucun pardon, en rentrant dans la possession de leurs biens, ne reprissent en même temps leur pouvoir.

Ces Romains, amis des confiscations, qui n’étaient encore qu’aux élémens de la tyrannie, et à qui les droits de l’homme n’avaient pas encore enseigné à exercer toutes sortes de cruautés sur les uns et sur les autres, sans y être aucunement provoqués, crurent cependant nécessaire de donner une sorte de couleur à toutes leurs injustices. Ils regardèrent les vain eus comme des traîtres qui avaient porté les armes ou qui avaient agi d’une manière quelconque dans un esprit hostile contre la république. Ils les traitèrent comme des gens qui avaient encouru par leurs crimes la confiscation de leurs