et par se réduire dans la poussière et la cendre de l’individualité, et être enfin dispersée par tous les vents du ciel.
C’est pourquoi, pour éviter tous les dangers de l’inconstance et de la versatilité, qui sont dix mille fois pires que ceux de l’obstination et des préjugés les plus aveugles, nous avons consacré l’État, pour qu’aucun homme n’eût la témérité d’en approcher, et de rechercher ses défauts ou ses corruptions, sans y apporter toutes les précautions suffisantes ; pour qu’aucun songe ne vint jamais persuader à aucun individu qu’il peut commencer ses réformes par un bouleversement général ; pour que l’on ne s’approchât des défauts de l’État, que comme on approche des blessures d’un père, avec un respect attentif et une sollicitude craintive ; ce sage préjugé nous apprend à regarder avec horreur tous ces enfans d’une même patrie, si téméraires dans leur empressement à hacher leur vieux père en morceaux, et à le jeter dans la chaudière des magiciennes, dans l’espérance que par les sucs de leurs poisons, et par leurs enchantemens barbares, elles pourront régénérer la constitution paternelle, et renouveler l’existence de celui dont ils la tiennent.
Oui, sans doute, la société est un contrat. Ceux que l’on passe dans le cours de la vie pour des intérêts particuliers, ou pour des objets momentanés et que l’occasion fait naître, on peut les dissoudre à plaisir ; mais faudra-t-il considérer l’État sous les mêmes rapports qu’un traité de société pour un commerce de poivre.