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ont été votre Henri IV et votre Sully, quoiqu’élevés au milieu des désordres civils, et qu’ils s’en sentissent un peu. C’est une chose étonnante de voir avec quelle promptitude la France, aussitôt qu’elle a eu un moment pour respirer, s’est relevée des guerres civiles les plus cruelles et les plus longues qui aient été jamais connues dans aucune nation. Pourquoi ? Parce que, dans tous leurs massacres, ils n’avaient pas assassiné le caractère, dans leur pays. Une dignité, sûre d’elle-même ; une noble fierté, un généreux sentiment de gloire et d’émulation, n’étaient point éteints : au contraire, ils furent excités, enflammés. Les organes de l’État, quoiqu’endommagés, subsistaient encore : l’on avait conservé toutes les récompenses et toutes les distinctions qui encouragent l’honneur et la vertu[1]. Mais votre confusion actuelle, comme une paralysie, a attaqué la source de la vie elle-même. Tous ceux qui, parmi vous, étaient faits pour n’être guidés que par le principe de l’honneur, sont disgraciés et dégradés, et n’ont d’autres sentimens de la vie que le tourment des mortifications et des humiliations ; mais cette génération sera bientôt éteinte : celle de la noblesse, qui la doit suivre, ressemblera aux artisans, aux paysans, aux agioteurs, aux usuriers et aux juifs, qui seront à

  1. On a voulu rétablir ces distinctions qui encouragent l’honneur et la vertu ; mais résisteront-elles aux assauts journaliers des jeunes insensés qui manquent d’expérience, et des vieux foux qui ont perdu la mémoire ?(Note de l’Éditeur.)