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enlevée ? Comment vivrait-il avec sa famille ? Il ne fallait pas penser à subsister jusqu’à l’été sans provisions. Pila était si abattu qu’il maudissait sa propre vie, et la mère qui l’avait enfanté ! Il battit longtemps son cheval, sans motif. Il s’assit pourtant dans son traîneau, et partit droit devant lui, sans s’inquiéter de la route : tout chemin lui était bon, tant il était désespéré. La rosse trottait, les brides sur le cou, et l’amena au coin d’une forêt où se trouvaient deux chemins, l’un conduisant au hameau, l’autre à la ville. Pila prit celui de la ville.

Il passa là deux semaines à vivre d’aumônes : il entrait dans les maisons qu’il savait appartenir à des gens riches et charitables, et n’en sortait jamais avant d’avoir reçu un morceau de pain ou un demi-kopeck. Il récolta ainsi un tas de croûtes qu’il cacha dans son traîneau ; quant à l’argent, il le dépensait à acheter de l’eau-de-vie. Il rencontra un jour le diacre du village, qui lui dit qu’il avait vendu sa vache à un pope de la ville. Pila s’informa de l’endroit où elle se trouvait et s’en alla pendant deux nuits rôder autour de l’écurie du nouveau propriétaire ; il grimpa même sur la palissade et se glissa dans la cour, sans toutefois trouver sa vache ; de mécontentement, il mit bas à coups de hache deux cochons qu’il jeta de l’autre côté de la barrière et qu’il enfouit dans la neige non loin de la ville.