Page:Réchetnikov - Ceux de Podlipnaïa, trad Neyroud, 1888.djvu/37

Cette page n’a pas encore été corrigée

dix-huit ans. Les jeunes gens s’étaient si bien attachés l’un à l’autre qu’ils s’ennuyaient à la mort quand ils étaient une journée sans se voir. Ils ne pouvaient pas se passer l’un de l’autre, tantôt c’était Syssoïko qui était chez Pila, tantôt Aproska qui était chez Syssoïko. À dix-sept ans, elle avait eu un enfant qui mourut avant l’arrivée du pope ; aussi l’enfouit-on dans la forêt, sans avertir celui-ci. Maintenant encore, elle était enceinte. Pila n’ignorait pas que c’était des œuvres de Syssoïko.

Le jeune homme était fort dégoûté de la vie qu’il menait chez lui : jour et nuit, son frère Piotro et sa sœur Pachka hurlaient de faim et de froid. Ces pauvres enfants de quatre et de deux ans ne savaient ni parler, ni marcher. Leur mère, aveugle et folle, ne pouvait s’occuper d’eux. Syssoïko ne les aimait guère et ne leur ménageait pas les coups. Il les faisait coucher sur le sol, afin qu’ils mourussent, ou bien il ne leur donnait pas à manger, ce qui les faisait encore crier plus fort. Il se fâchait alors si violemment qu’il les aurait assommés… mais, brusquement, il en avait pitié. Pila valait mieux que lui et apportait toujours quelque chose à manger aux bambins, qui tendaient vers lui leurs petits bras. Syssoïko restait souvent des semaines entières chez Pila, sans s’inquiéter le moins du monde de sa mère et de ses frères, très heureux de ne plus les entendre geindre.