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mois d’été, c’est une belle somme qui le fait vivre toute l’année ; mais il n’est pas facile d’y arriver. Aussi les habitants du hameau sont-ils devenus très apathiques : ils ont perdu toute espérance.

Les hommes, les femmes et les jeunes filles portent toute l’année la même chemise, qui, l’été, forme leur unique habillement avec un pantalon ou une jupe. L’hiver, ils ont une pelisse de peau de mouton, de chien ou de veau qui les réchauffe tant bien que mal. Tous portent des sandales d’écorce de tilleul, sauf les enfants qui vont pieds nus. Ces vêtements, pour mauvais qu’ils soient, les protègent pourtant contre les intempéries ; mais rien ne les garantit du mal qui les torture le plus souvent, de la faim. Pendant un mois à peine, dans toute l’année, on mange au hameau du vrai pain ; le plus souvent, ce sont des miches faites de balle de blé ou d’écorce, qui leur donnent des maladies dont ils ne savent se guérir. De là provient leur paresse au travail. C’est que la farine est trop chère pour qu’ils puissent manger du vrai pain : on amène, en effet, le blé des gouvernements méridionaux de la Russie sur des bateaux que les haleurs s’échinent à tirer.

Les Podlipovtsiens sont faits à la faim comme ils sont faits à la maladie. Ils n’attendent de secours de personne, car dans les villages voisins on les hait et on les craint parce qu’on le