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La seule verdure qu’on aperçût jamais à Podlipnaïa, était une mauvaise herbe très dure et très maigre qui croissait entre les mottes de terre du marais.

Dès le mois de septembre, l’hiver faisait rage et accumulait la neige en gros tas contre les petites fenêtres. Quelquefois même les toits disparaissaient sous un épais manteau blanc.

Jamais les Podlipovtsiens ne sont gais ou joyeux : en été même, pendant la belle saison, ils gardent l’expression triste des gens qui souffrent ; leur humeur est pénible et maladive. Les enfants eux-mêmes ne ressemblent pas aux autres enfants : ils courent, tombent, pleurnichent sans jamais chanter ou rire, ils s’ébattent pour ainsi dire à contre-cœur. Les vaches, les chevaux ont l’air de squelettes et se promènent d’un air morne. Le seul bruit qui fasse vibrer l’air, c’est l’aboiement d’un chien, échappé par miracle à la marmite, et que conserve sans doute un paysan désireux de se faire un bonnet de sa peau.

La plus mauvaise saison pour les Podlipovtsiens est l’hiver, comme je l’ai déjà dit. Des semaines entières se passent sans qu’on voie la moindre vie se manifester dans le hameau. On pourrait les croire dans la léthargie : en effet, ils sont presque tous malades, malades de misère et de saleté. Ils restent couchés ou vautrés, maudissant en silence le travail qui les