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JUS

dant : Summum jus, summa injuria. Jeu de mots fort ingénieux pour ceux qui entendent le latin.

On aime la justice dans la maison d’autrui.

Même aux yeux de l’injuste un injuste est horrible ;
Et tel qui n’admet point la probité chez lui,
Souvent à la rigueur l’exige chez autrui.

(Boileau, sat. xi.)

Nous aimons à trouver la justice chez les autres ; car elle est la meilleure garantie qu’ils puissent nous offrir. Mais la justice a des droits bien faibles sur nous dès qu’elle entre en concurrence avec nous-mêmes, suivant l’expression de Massillon. La plupart des hommes voudraient inféoder la justice à leur intérêt, et ils ne savent être tout-à-fait justes que dans ce qui ne leur profite pas directement. « La justice n’est chez eux, comme l’a remarqué Vauvenargues, que la crainte de souffrir l’injustice. »

J.-J. Rousseau a dit sur le même sujet, dans sa Lettre à d’Alembert : « Le cœur de l’homme est naturellement droit sur ce qui ne se rapporte pas personnellement à lui. Dans les querelles dont nous sommes spectateurs, nous prenons à l’instant le parti de la justice, et il n’y a point d’acte de méchanceté qui ne nous donne une très vive indignation, tant que nous n’en tirons aucun profit ; mais quand notre intérêt s’y mêle, bientôt nos sentiments se corrompent, et c’est alors seulement que nous préférons le mal qui nous est utile au bien que nous fait aimer la nature. N’est-ce pas un effet naturel de la constitution des choses, que le méchant tire un double avantage de son injustice et de la probité d’autrui ? Quel traité plus avantageux pourrait-il faire que d’obliger le monde entier d’être juste, excepté lui seul, en sorte que chacun lui rendit fidèlement ce qui lui est dû, et qu’il ne rendît ce qu’il doit à personne. Il aime la vertu sans doute, mais il l’aime dans les autres, parce qu’il espère en profiter, et il n’en veut pas pour lui-même parce qu’elle lui serait coûteuse. »

Toutes ces réflexions expliquent très bien la raison du proverbe : mais ne peut-on penser pour l’honneur de l’humanité que cette révolte, que nous éprouvons à l’aspect de l’injustice,