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Elles furent multipliées dans un intérêt tout fiscal, et donnèrent lieu à une grande quantité de règlements qui gênèrent beaucoup les transactions. À ces embarras s’en joignirent d’autres produits par la variation et l’altération des monnaies dont il n’était pas facile d’établir le pair ; et il fut très naturel de juger de l’habileté d’un négociant d’après la connaissance qu’il avait de ce qui concernait ces foires.

champenois. — Quatre-vingt-dix-neuf moutons et un Champenois font cent bêtes.

« On donne à ce dicton, dit l’abbé Tuet, une origine qui a tout l’air d’un conte. Lorsque César fit la conquête des Gaules, le principal revenu de la Champagne consistait en troupeaux de moutons qui payaient au fisc un impôt en nature. Le vainqueur, pour favoriser le commerce de cette province, exempta de la taxe tous les troupeaux au-dessous de cent bêtes ; alors les Champenois ne formèrent plus que des troupeaux de quatre-vingt-dix-neuf moutons. Cela n’était pas si bête ; mais César, instruit de la ruse, ordonna qu’à l’avenir le berger de chaque troupeau serait compté pour un mouton et paierait comme tel. »

Thibault IV, comte de Champagne, voulant faire face aux dépenses occasionnées par les fêtes qu’il donnait, mit aussi un impôt sur les troupeaux de cent moutons, et usa du même expédient que César pour faire payer cet impôt que ses sujets prétendaient éluder à la façon de leurs aïeux. Mais le dicton paraît antérieur à ce second fait, auquel il se rattacherait avec plus de vraisemblance qu’au premier.

Les Champenois le regardent comme une allusion à leur excessive bonté qu’on a voulu assimiler à la bêtise, et ils soutiennent que la bêtise leur a été imputée fort gratuitement, puisque la Champagne a produit, aussi souvent que toute autre contrée de la France, des talents éminents dans tous les genres. Je crois qu’ils ont raison, et je leur conseille de prendre pour devise ces deux vers de Juvénal :

Summos posse viros et magna exempta daturos
Vervecum in patriâ crassoque sub aëre nasci.