Oh ! Que tes flots à présent se promènent lentement sous des voûtes de savanes ! Les branches des palmites les couvrent d’ombres parfumées. Dans le rêve cristallin qui te berce nuit et jour, c’est à peine si ta vague qui défaille et sommeille, une fois se lève en sursaut pour te dire : emporte-moi, emporte-moi avec ta rive là où tu vas.
Le Fleuve.
Ainsi vos jours, vos siècles passeront sans
pouvoir se détacher de leurs rivages. Ainsi
vos empires futurs s’endormiront à l’ombre
de vos rêves.
Première Tribu.
Arrête-toi, fleuve du Gange ; ne vois-tu pas
devant toi l’océan ? Il est immense ; il est
sans bords. Retourne, retourne dans ta vallée ;
tu vas te perdre, te perdre à jamais avec tes
flots couleur de l’oeil de l’antilope, dans la
mer qui s’épand devant toi.
Le Fleuve.
Ainsi vous vous perdrez un jour avec vos tribus
aux colliers de perles, avec vos siècles
embaumés, vos dieux, vos murmures, vos cités,
dans votre océan et votre éternité.
Deuxième Tribu.
Un Enfant.
Ma mère, ma mère, ce chemin est plein de pierres ;
une épine m’a percé le pied. Est-ce là le pays
de l’Iran où le griffon nous conduit ?
La Mère.
Non pas encore, courage ! Nous arriverons bientôt.
L’Enfant.
Je ne peux plus marcher ; le griffon court
toujours ; quand ses pieds se lassent, il prend
ses ailes.
La Mère.