firmament.
L’un après l’autre, tous les anges ont
plié leurs ailes, comme l’aigle quand il est
devenu vieux. Ma mère Marie est morte ; et mon
père Jéhovah m’a dit sur son chevet : Christ,
mon âge est venu. J’ai vécu assez de siècles de
siècles ; les mondes me pèsent à soulever. Ma
paupière de diamants s’est usée à regarder mes
soleils allumés. Ma tête chauve a été trop
battue par l’inexorable tempête. J’ai froid.
Mes pieds ont fait trop souvent jusqu’au bout
leur course éternelle. Je suis las. Ma langue
dans ma bouche a appelé du néant l’un après
l’autre trop de mondes. J’ai soif. Ma vieillesse
est trop grande ; je ne vois plus luire ton
auréole. Va ! Ton père est mort.
Le firmament a secoué son dieu de sa branche
comme le figuier ses feuilles. Mon toit a été
enlevé et la mort pleut sur ma figure. Si loin
que les mondes fourmillent, je n’entends plus
que mon cœur qui bat ; si loin que mes yeux
puissent voir, je ne vois plus que mon sang qui
dégoutte de ma plaie. Oui, coule, mon sang ;
coule du plus loin de mon cœur : cette fois
le lin de Judée ne t’étanchera plus, le baume
de Syrie ne te sèchera plus, et l’eau de
source ne te lavera plus.
Où sont mes nasses et mes filets de pêcheur dans
ma maison de Nazareth ? Où sont les cadeaux
que m’ont donnés les rois mages dans mon
berceau ? Où est mon agonie dans le jardin
des oliviers ? Alors, le soleil me faisait mon
auréole, les lions du désert et les griffons
léchaient ma blessure en pleurant. à présent,
les soleils me regardent et ne réchauffent plus
mon sein ; le vent passe sans demander qui je
suis ; le néant sur sa porte coud mon linceul,
et, pour mon auréole, il met sur ma tête sa
vide couronne.