s.
J’ai cherché le repos, et j’ai trouvé l’orage ;
j’ai cherché l’ombre, et j’ai trouvé le soleil ;
j’ai cherché le chemin de mes jeunes années, et
j’ai trouvé le chemin de l’éternelle douleur.
Le Christ.
Quand tu rencontrais un passant, que lui
disais-tu ?
Ahasvérus.
Si je rencontrais un passant, je lui disais, en
marchant par mon sentier : je suis un voyageur
qui marche jour et nuit dans la ville du genre
humain, sans trouver ni banc ni table pour
m’asseoir. Les peuples sont à leur fenêtre ;
les rois sont sur leurs balcons ; la rue
s’allonge sous mes pas. Sur son fleuve de
larmes, des bateliers emportent les années
dans des gondoles noires. Ses lions blasonnés
rugissent le soir dans les carrefours ; ses
aigles couronnés glapissent sur leur écusson.
Son Dieu ne luit plus dans sa lampe pendue
sous sa muraille. Je me suis égaré. Dites-moi
mon chemin, et la meilleure hôtellerie, pour y
trouver une table pour ma faim, un lit de soie
pour m’endormir.
Le Christ.
Et quand tu trouvais une ville, que disais-tu ?
Ahasvérus.
Je disais à ses gardes sur les tours : j’ai trop
vu de tours et de châteaux et de balcons
suspendus aux fenêtres. Je sais trop, en entrant,
comme le pain y est amer, comme le chevet est
dur, et comme mon cœur y boira dans mon verre
son vin de larmes et de fiel. Ouvrez-moi déjà la
porte, si le verrou est mis ; si le pont est levé
baissez-le, je vous en prie. Ce n’est pas là la
ville que je cherche. La ville où je veux demeurer
a des murs éternels. Les roues des chariots y
tracent des cercles infinis. Les forgerons