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Rappelez-vous, seigneur, l’ouvrage de vos mains : vos montagnes étaient de marbre. Si je levais les yeux, les étoiles germaient dans mes nuits de printemps. Leurs fleurs embaumées se retournaient vers moi sur leurs tiges d’azur, pour me dire : vois-tu, pauvre ville de roseaux ? Je suis plus belle que toi. Si je les baissais vers la mer, vos îles, sous leur brume bleuâtre, naviguaient comme un troupeau de cygnes, et semblaient dire : vois-tu ? Nos ailes de rochers qui rasent tes rivages sont plus blanches que tes murailles, et ton golfe d’amour nous aime mieux que toi, dans ton vaisseau de misère. Seigneur, j’étais jalouse des étoiles et des îles, de l’ombre de vos bois d’oliviers, des larmes de cristal de vos grottes. Pour vous plaire autant qu’elles, j’ai cueilli dans le marbre mes guirlandes d’acanthe ; j’ai versé à pleine main ma gloire rapide et mes jours impatients. Jusque sur les sommets où les bois d’oliviers s’arrêtent, où le chamois n’arrive pas, où l’épervier a le vertige, où la bruyère a peur de monter, j’ai porté sur mes épaules ma charge de colonnes pour vous voir, toute seule, sans rivale, auprès de moi.



Le Père éternel.

Va ! Laisse à présent à tes pieds ta charge de colonnes païennes. Leur fût est trop brisé pour servir à mon œuvre. Prends ton nouvel habit de Klephte que Botzaris et ton évêque t’ont donné. Attache à ta ceinture ton sabre de pacha et tes pistolets d’argent ; prends à ton col ton amulette. Je te ferai, dans ma cité nouvelle, aux pieds de mes murs de diamant, une cabane de roseaux pour y chanter, sur ta guzla, tes chants de guerre mieux qu’un oiseau de Romélie aux ailes d’or.



Mob.

Voici Rome, seigneur !



Tous les Morts à la fois.