Pour les écouter, je me penchai sur la mer ; et,
pour me faire plus belle, je me mirai dans son
flot, à son miroir. Leurs bandelettes de
prêtresses les gênaient ; je déliai sur mon
front de marbre mes longs cheveux qui secouaient
de ma colline l’aurore sur le monde. De mon
ciseau, j’ai sculpté, dans mon rocher de
Pentélique, les blocs que vous aviez ébauchés
de votre main dans l’atelier de l’univers.
Si une idée errante, une image, une pensée,
était restée par mégarde inachevée sous vos
mains, ou sur les flots, ou sur les monts,
ou dans l’air qui m’entourait, c’est moi qui
finissais de la créer avec mon ciseau, et qui
l’envoyais, légère, sous le marbre, demander
sans crainte à votre porte sa vie de chaque
jour avec l’étoile, avec la source, avec la mer,
à qui vous donniez, sans refuser jamais, leur
existence matin et soir. Si vous faites,
seigneur, un nouveau monde, prenez-moi à votre
service. Je pétrirai dans mes doigts, avec
mon argile de Corinthe, des urnes pour y
mettre les larmes du nouveau genre humain.
Dans votre cour, je taillerai d’avance des
tombeaux de cornaline pour y verser la cendre
des peuples à venir ; et j’élèverai, si vous
voulez, une colonne funéraire du beau marbre
de mes îles sur le monde qui se meurt.
Le Père éternel.
Tu n’as jamais songé qu’à ta beauté. La vie n’a
été pour toi qu’une grâce de plus, une parure
à ton néant, une écharpe luisante qui te voilait
mon astre. Encore à présent, avec la poussière
d’albâtre que tu foules à tes pieds, avec les
acanthes de marbre rongé dont tu couronnes ta
tête, avec l’odeur de jacinthe que tu sèmes
après toi, avec tes dalles qu’ont usées les
chevaux des vayvodes, avec tes colonnes
étendues dans les blés comme de blanches
moissonneuses qui se reposent à l’ombre, tes
charmes sont plus grands que dans tes fêtes
païennes.
Athènes.