Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/339

Cette page n’a pas encore été corrigée

plus jamais. Ce n’est pas dans ses bras que je me suis jetée, mais c’est son cœur que j’ai navré. Ce n’est pas sa voix que j’ai suivie, mais c’est son sein que j’ai meurtri. Ce n’est pas à sa porte que j’ai frappé, mais c’est son espoir que j’ai foulé. J’ai voulu tout aimer. -voilà pourquoi, moi, je suis morte.



Troisième Voix.

Mon nom veut dire sagesse et il sonne comme amour.

Dans le pays où croule la tour de Gabrielle De Vergy, j’ai demeuré sans compter les mois ni les années. La ville ou la campagne, tout m’était indifférent. Je ne désirais rien, ni soir, ni matinée, ni lendemain. Assise à ma fenêtre à demi close, à peine si mes yeux se levaient pour regarder dans ma cour qui montait par mon perron.

Mais un mot que j’ai entendu m’a réveillée par un sanglot. Depuis cette heure, cieux et douleurs me sont ouverts. - voilà pourquoi je suis née.

Pendant sept ans, en faisant mon ouvrage, j’ai attendu sur mon balcon, tout proche du canal, que celui qui avait un jour baisé la fleur qui tomba de ma main à ma fête de mai vînt à passer.

J’ai retenu, dans mon cœur, tant que j’ai pu, mon souffle pour entendre seulement son cheval hennir sous ma fenêtre. Mais le vent a emporté le bruit. Le monde a passé à sa place. Dans mon foyer, j’ai couvert, matin et soir, mon souvenir sous ma cendre. Sans pleurer, j’ai fait ma tâche comme autrefois. Comme autrefois j’ai souri. -voilà pourquoi je suis morte.

Dans mon sein, j’ai gardé en silence, la foi des temps