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ait le plus doux à dire a passé mes lèvres ; et ce mot, trop bien entendu, m’a conduite où je suis.



La Comtesse Guiccioli.

Celui pour qui j’ai quitté le comte, après mon mariage, tous les autres l’appelaient Byron, quand seule je l’appelais Noël. Lui, que n’avaient pu désennuyer la Tamise, ni le Rhin, ni le Tage, ni Venise, ni tous les minarets au delà des Dardanelles, restait tous les longs mois d’été, assis près de moi, à compter mes cheveux d’or. Pour un jour d’absence, ses larmes recommençaient à couler dans le jardin de Ravenne, et ses lèvres à pâlir. à la Mira, à Bologne, à Gênes, mais surtout à Pise, près de l’Arno et de la Strada-Longa, dans le palais Lanfranchi, que d’heures, mon dieu ! Toutes à se voir, à s’écouter, puis à se taire, et à se revoir toujours, qui jamais ne reviendront au ciel, ni si belles, ni si tièdes de doux soupirs ! Sous un pin d’Italie, j’ai guéri d’un sourire la plaie de Lara, du corsaire, de Manfred, d’Harold. Avec l’étoile de Toscane, toujours vermeille, avec l’haleine de la mer, toujours à moitié assoupie ; avec le baume des villas, j’ai apaisé, moi aussi, pour un soir, la dure peine d’un esprit immortel.

C’est là ce que j’ai fait sur terre ; et je ne m’en repens pas, quand même le comte le saurait.

Chœur De Desdémone, Juliette, Clarisse Harlowe, Mignon, Julie De Woldemar,



Virginie, Atala.

Entre la terre et le ciel, toujours nous flottons sans nous reposer une heure. Jamais nous n’avons eu ni figure, ni forme, ni sens, ni abri, hormis dans le songe qui nous a faites. Nous sommes des images d’en haut, des larmes vivantes, d’éternels pleurs sans paupières, d’infinis soupirs sans voix, d’impalpables caresses, des pensées toutes nues, des âmes qui nous cherchons un corps aussi pur que nous, sans pouvoir le trouver dans ce noir limon de l’univers.