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ceci.



Et, quand j’eus approché mes lèvres : ah ! Sire ! Que c’est amer ! J’en mourrai, je le vois.

Qu’ai-je mangé ? - Vous avez mangé, madame, le cœur de votre amant, le sire de Coucy.

Voilà comment je fis mon dernier repas, et pourquoi le goût de mon poison est encore dans ma bouche, si bien que tout le pain des anges ne me l’ôtera jamais.



Béatrix.

Sur mes lèvres, la vie ne m’a laissé ni doux, ni amer. Son goût est passé ; je ne sais plus ce qu’il était. Celui qui mit en vers le paradis, et l’enfer, et le purgatoire, et qui m’a rencontrée près de Florence, en montant à San Miniato, le sait à ma place. Sans le voir, j’ai suivi mon chemin. étais-je un rêve de son cœur ? Fus-je un soupir de sa bouche ? Ou un fantôme dans sa nuit ? Ou une fleur trop tôt cueillie ? Ou une florentine trop tôt fiancée ? Ou un flot de l’Arno gémissant ? Ou rien qu’un nom ? Ou rien qu’une ombre qu’il a vêtue jusqu’aux pieds de son long désir ? Ce n’est pas moi qui le dirai. Soupir ou songe, onde qui passe, fleur qui s’effeuille, ou ombre, ou jeune fille, ce que je veux s’appelle éternité d’amour avec celui qui m’a rêvée.



Mademoiselle Aïssé.

Et moi, je me souviens trop bien que c’est sur terre que j’ai vécu ; si je l’oubliais jamais, cette blessure au cœur, que voilà, me le rappellerait. Dans le monde j’ai aimé, dans le monde j’ai souffert. Autour de moi brillait la fête, et dans le bal je jouais. Pour m’amuser, comme les autres j’effeuillais ma couronne.

Ma bouche encore souriait, que déjà le ver avait rongé ma joie. Pendant le jour, je vivais de désirs ; pendant la nuit, de remords. Une fois, seulement, en tremblant, le mot qui m’ét