nt, pour
embrasser mon Abailard. Dans son cœur, mes sept
cieux rayonnent. Lui, c’est mon Dieu ; il est
ma foi ; il est mon Christ. Je suis sa mystique
fiancée ; et notre tombe est notre paradis.
N’en sortons pas. Nos os sont mêlés, notre
cendre aussi ; non, je ne veux pas ressusciter.
La Reine Berthe La Blonde.
Sur un trône tout pavoisé d’oriflammes, souvent
j’ai pleuré quand je devais sourire. Dix nations
baisaient ma robe, si je passais sur mon cheval
amblant ; si je filais ma quenouille, un grand
empire faisait : chut ! Pour entendre gronder
mon fuseau. Mais, sous le dais et dans ma
chambre dorée, et dans mes peuples innombrables,
il me manquait plus qu’un empire. Sans
marchander, j’aurais donné tout mon trône
empanaché pour moins qu’un soupir, mes villes
et mes comtés pour une douce haleine, et
mes trois royaumes, remplis de barons, et
d’écuyers, et de carrousels, et de longs cris
de guerre, pour ces trois mots : je vous aime,
dits et écoutés et répétés le soir, tout bas,
à la forêt, sur un banc, dans une chambre de ramée.
Gabrielle De Vergy.
Ecoutez-moi, reine d’amour, et dites-moi si j’ai
raison de détourner ma bouche du pain de la vie,
et de n’en vouloir ni la mie, ni le levain. Le
dernier repas que j’ai fait sur terre est encore
amer à mon palais. C’était dans la tour de Vergy.
Le jour brillait en mai ; le bouvreuil chantait
dans le buisson. Celui que je ne sais comment
nommer était à table avec moi ; si bien que son
éperon toucha maintes fois ma robe, et que j’en
tremble encore jusqu’au mourir. Nous étions seuls,
sans parler. Après le bénédicité, mes yeux
regardaient la nappe ; mais mon cœur était
loin, sur le chemin de terre-sainte, dans
l’attente d’une peine nouvelle. Le cruel seigneur
me dit : que songez-vous, ma mie ? Vous ne
mangez point ; prenez