ton néant, tes souvenirs, tes désirs, tes
espérances, tes regrets et tes longues douleurs,
pour refaire toi-même ton argile. Pétris-la
dans tes pleurs, revêts-toi de désespoir. Dans
le Campo-Santo, et là où maintes nefs épanchent
à pleines mains la nuit sur leurs dalles, et
dans les cimetières où les bouvreuils sifflent
sous la haie, et là où les comtes sommeillent
dans le marbre africain, et là, sur la grève
où la mer manie entre ses doigts, comme fait
un enfant, le limon qui fut un peuple, lève-toi,
lève-toi, lève-toi ! Si ton âme, qui se
ressouvient de sa douleur, se rendort à moitié
en murmurant : c’est trop tôt, mon cri qui
redouble la réveillera.
Villes aussi du levant et du ponent, de marbre ou
de briques cuites au feu, remontez vos escaliers.
Ramassez vos grands ossements qui blanchissent
dans la campagne. Insectes-géants, renouez à vos
reins vos longs aqueducs qui vous servent
d’antennes pour boire dans les sources lointaines.
Sur vos fronts, coiffez-vous de vos coupoles ;
sur vos épaules, peignez d’un peigne d’or votre
chevelure de blondes colonnes. En haut, en bas,
jusqu’au faîte, comme autrefois, déjà vous êtes
pleines de soupirs et de vagissements. Vous
branlez vos lourdes têtes en sanglotant. Dans
vos rues, votre foule ressuscite. Encore une
heure, vous n’aurez plus qu’à monter sur vos
toits pour voir venir votre Christ.
Athènes.
Je suis prête, seigneur ; le soleil m’a filé
chaque année ma tunique dorée autour de ma
colonne, et m’a vêtue chaque matin de mon
marbre ciselé. Je n’ai qu’à me baisser pour
ramasser sur mes degrés la robe que mon
sculpteur m’a faite. Allons, beaux pallichares,