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des couronnes de rois, des mitres de papes, des drapeaux de pachas et des colliers de reines ? Si j’avais une fois becqueté le nid d’une fauvette, le chaume des bruyères, l’écaille blanchie sur le rivage, ou la verveine d’un rocher, maintenant j’aurais au moins une feuille d’écorce, une coquille vide et un jonc de marécage pour faire une aire pour mes petits.



Saint Jean.

Prends tes ailes, si tu veux, et rase, en passant, le sommet de la terre. Va t’asseoir un moment sur le sable de mon île de Pathmos ; quand tu en auras fait deux fois le tour, tu reviendras nous raconter ce que tu auras vu.



Le Lion.

Maître, ai-je dépassé l’heure ? Me voici revenu de la source de l’Euphrate.



Saint Marc.

Non. Qu’as-tu trouvé dans ton voyage ?



Le Lion.

J’ai balayé de ma queue la poussière de cent villes.

Ma crinière est toute souillée de la cendre des rois et des toiles d’araignée des tombeaux de leurs peuples. J’ai humé dans mes naseaux des bruits sauvages. Quand je passais, les fleurs dans la haie, les ruisseaux dans leurs lits, les montagnes sur leurs cimes, disaient : non, non, il n’est point de Dieu. Voyez ! Le lion de saint Marc a perdu son maître. Ses flancs sont amaigris. Dans tout son ciel, il ne s’est pas trouvé de quoi étancher la soif de son palais. Il n’a point eu de salaire pour son éternel servage. Que nous servirait, à nous, d’attendre, comme lui, notre maître ? Il ne viendra pas sur nos sommets, ni sur nos rives, regarder si nos fleurs sont écloses en leurs saisons ; si nous puisons nos flots à pleins bords dans nos urnes ; si nous nous levons à son heure dans le ciel, et si